La Libre Belgique Arts - April 30, 2024
Une douzaine d’artistes contemporains investissent l’Ancienne Nonciature.
Joyau de notre patrimoine situé au cœur du Grand Sablon, ce bâtiment emblématique accueillait jadis l’ambassade du Vatican. Un lieu d’une beauté insoupçonnable, stratégiquement situé face à l’église. Chargé d’histoire, ce lieu a été complètement restauré dans les règles de l’art par la propriétaire des lieux, Anne Derasse (historienne de l’art, architecte d’intérieur et créatrice reconnue internationalement). La sensibilité et la persévérance au service du raffinement. Depuis quelques années, Anne Derasse et son compagnon, l’artiste Jörg Bräuer – complice nourrissant la même vision, esthétique et authentique, du patrimoine – redonnent vie à ce haut-lieu en le réservant très ponctuellement à quelques expositions rigoureusement choisies.
Cette année, grâce à leur belle et enrichissante rencontre avec le galeriste Frédérick Mouraux, fondateur de la galerie éponyme sise au Rivoli Building, et son épouse Flavie Durand-Ruel, historienne de l’art garante des archives de son ancêtre (le célèbre marchand des impressionnistes Paul Durand-Ruel), l’idée d’une exposition extra muros a germé. La concentration d’initiatives gravitant autour d’Art Brussels leur semblait, à juste titre, le moment idéal pour investir, avec une sélection d’artistes, ce lieu hors norme.
Du Rivoli au Sablon
Sensiblement orchestrée par Flavie Durand-Ruel, la sélection s’articule en trois ambiances distinctes. Le rez-de-chaussée accueille des œuvres pop, vibrantes, jouant la carte de la couleur. Première découverte qui captive notre attention, d’étincelantes sculptures signées Yom de Saint Phalle, artiste qui fit ses armes auprès de sa tante Niki en Californie. Comme sortis d’un tableau de Vasarely, ses volumes complexes – entre architecture et design – laissent au vide une place essentielle. Des sculptures multipliant les couleurs et les champs de profondeur attirent notre regard dans leur antre scintillant de mille feux. Plus loin, Dom Gray libère la peinture des conventions narratives pour livrer un ensemble de vingt monochromes sondant autant les ressorts de la couleur et de sa matérialité que ses perspectives méditatives. Les cimaises accueillent également les toiles d’une géométrie chirurgicale, d’une tendresse colorimétrique, signées Lucy + Jorge Orta, comme autant de remèdes au tumulte du monde extérieur. L’escalier d’honneur nous conduit au premier étage. La nature s’y épanouit en douceur avec des œuvres signées Bob Verschueren, Jörg Bräuer, Barbara Kandiyoti mais aussi Jean-Philippe Duboscq. De ce dernier, des œuvres qui convoquent le potentiel sensoriel de la toile de lin en multipliant les couches comme autant de peaux qui se touchent, se caressent, se rident. L’artiste nous confia : “Le pli est un mystère infini, c’est un contenant, une magie baroque qui ne supporte pas d’être mise en pleine lumière.” Invitant dans ses entrailles le hasard, l’inattendu, cette production adopte ici une palette privilégiant les crèmes, les écrus et autres teintes naturelles qui gagnent, dans cet écrin exceptionnel, une aura insoupçonnée. Ultime détour par les caves voûtées datant du XVIe siècle. Dans cet espace mêlant spirituel et mystère se rencontrent de sublimes clichés de la forêt de Soignes signés Fab Rideti, mais aussi une généreuse vanité de la main de Philippe Pasqua qui apporte à l’ensemble une touche transgressive. Entre autres.
Endroit à découvrir impérativement et flot de propositions à savourer rapidement. Dans quelques jours seulement, les portes cochères de cet écrin se refermeront jusqu’à la prochaine exposition...
Gwennaëlle Gribaumont